Quand Genève a inscrit en 2023 le droit à l’alimentation dans sa Constitution, elle est devenue le premier canton suisse à reconnaître que manger n’est pas une faveur, mais un droit fondamental.
Deux ans plus tard, le Projet de loi pour une alimentation solidaire et durable (avant-projet du 7 octobre 2025) traduit enfin ce principe en politique publique.
La Fondation Mater salue cette avancée historique et a transmis une revue complète article par article au Canton.
Notre analyse soutient pleinement l’esprit du texte — solidarité, dignité, durabilité — tout en formulant plusieurs propositions pour en renforcer la portée et l’efficacité.
Le projet de loi cite à juste titre des acteurs historiques tels que Partage, Caritas, La Farce ou Le Bateau, mais il omet le Refettorio Genève, pourtant unique au monde.
C’est le seul restaurant social durable ouvert le soir à Genève, alliant gastronomie, inclusion et lutte contre le gaspillage alimentaire.
Le Refettorio incarne exactement ce que l’article 1 proclame : le droit de manger dans la dignité.
Nous recommandons donc d’ajouter le Refettorio Genève à la liste des structures mentionnées aux articles 18–19, aux côtés du Bateau et du Carré, comme élément permanent du dispositif de solidarités alimentaires.
L’article 35 du projet introduit une mesure courageuse : interdire la destruction des denrées comestibles invendues dans la distribution.
Mais cette avancée reste incomplète : elle ne couvre pas le secteur de la restauration et de l’hôtellerie, pourtant responsable d’une part majeure du gaspillage.
Mater propose d’étendre cette interdiction à l’ensemble du secteur F&B (restaurants, hôtels, traiteurs, cantines), accompagnée de :
Les professionnels de la restauration disposent déjà des compétences et de l’organisation pour appliquer ces mesures.
Avec des leviers positifs, Genève pourrait devenir le premier canton européen à adopter une politique “zéro destruction” sur toute la chaîne alimentaire.
L’article 25, consacré aux lieux agréés et à la “charte” de l’alimentation adéquate, est le cœur moral de la loi.
Encore faut-il que cette charte repose sur des critères clairs, mesurables et reconnus localement.
Mater propose d’intégrer à ce dispositif la “trifecta de certification” déjà en vigueur au Refettorio Genève :
Ces trois exigences, applicables à tout établissement agréé, garantiraient que chaque repas du dispositif soit sain, durable et digne.
La création d’une Fondation genevoise pour une alimentation solidaire et durable (articles 8 à 14) est une avancée majeure.
Mais sa composition reste trop restreinte : elle inclut le canton, les communes, Partage, l’agriculture et la distribution — mais aucun représentant de la restauration ni des travailleurs du système alimentaire.
Mater recommande :
Une telle ouverture garantirait la représentativité réelle de l’ensemble du système alimentaire et renforcerait la légitimité du dispositif.
Ce projet de loi marque une transition essentielle : passer de l’aide alimentaire d’urgence à un service public structuré, qui relie santé, environnement, agriculture et justice sociale.
En intégrant dans une même logique des acteurs comme Partage, La Farce, Le Bateau et le Refettorio, Genève construit un modèle complet de solidarité alimentaire durable.
Le succès du texte dépendra désormais de sa capacité à rassembler tout le monde autour de la table : institutions, communes, professionnels, citoyens et personnes concernées.
La Fondation Mater a remis sa position officielle au Canton d’ici la fin d’octobre 2025, dans le cadre de la consultation publique.
Nous continuerons à collaborer avec l’ensemble des partenaires pour faire de Genève un territoire pionnier du droit à l’alimentation, où nourrir et être nourri deviennent des actes de responsabilité commune.