Les articles parus ces derniers jours nécessitent quelques précisions essentielles, afin que le débat public puisse s’appuyer sur des faits et non sur des approximations administratives.
1. Les montants reçus : une réalité plus modeste qu’il n’y paraît
Sur cinq années d’activité, le Refettorio a perçu au total 235’000 francs de subventions publiques, toutes institutions confondues. Durant cette même période, nous avons servi plus de 40’000 repas gratuits le soir, accompagné plusieurs centaines de bénévoles, formé des jeunes et maintenu une certification zéro-déchet parmi les plus exigeantes du pays.
Qualifier cette aide de «maximale» est au minimum excessif. Elle est utile, certes, mais elle reste marginale au regard du service fourni quotidiennement.
2. Un établissement «privé» seulement quand cela arrange
Le Refettorio n’est pas une entreprise commerciale cherchant à couvrir un déficit. C’est un programme porté par une fondation d’utilité publique, sans but lucratif, dont le modèle économique est simple : les repas payants du midi permettent de financer un service social du soir.
Ce service social, unique dans le canton, répond à un besoin reconnu de longue date par les acteurs de terrain. Il ne s’agit donc pas de soutenir «une activité privée», mais de financer une mission d’intérêt public qui n’a pas d’équivalent dans l’écosystème social genevois.
3. La localisation et le modèle économique : un constat partagé, une responsabilité à assumer
Oui, l’emplacement n’est pas optimal. Je le reconnais volontiers, comme je l’ai dit publiquement depuis longtemps. Mais cette localisation était connue de tous depuis l’ouverture, et n’a jamais posé de problème lorsque les autorités se félicitaient du projet.
Si l’on estime aujourd’hui que la localisation limite l’impact social du Refettorio, la réponse cohérente serait d’explorer ensemble une relocalisation adéquate. Je suis entièrement disposé à travailler avec les autorités pour identifier un lieu mieux situé, capable d’accueillir une offre alimentaire du soir de qualité, conforme au droit à l’alimentation inscrit dans notre Constitution.
4. Les critiques sur la formation : une appréciation sans observation
Les remarques concernant l’insertion professionnelle des jeunes ne correspondent pas à la réalité vécue sur le terrain. Elles proviennent de services qui, depuis cinq ans, n’ont jamais assisté à un seul service du soir ni rencontré nos stagiaires dans leur contexte réel de formation.
Si les responsables concernés — ou simplement leurs collaborateurs — prenaient la peine de passer une soirée avec nous, une seule, ils pourraient se faire une idée concrète de la qualité du travail effectué. Beaucoup des incompréhensions actuelles disparaîtraient immédiatement.
5. Le droit à l’alimentation : un engagement constitutionnel qui doit se traduire en actes
Genève s’est dotée d’une disposition constitutionnelle inscrivant le droit à l’alimentation. Cela implique de garantir un accès digne, adapté et suffisant à une alimentation de qualité.
Le Refettorio assume précisément cette mission chaque soir, sans files humiliantes, dans un cadre qui respecte la dignité des personnes.
Il est paradoxal de célébrer ce droit sur le plan institutionnel tout en refusant de soutenir l’un des rares dispositifs qui le met concrètement en œuvre.
6. L’argument budgétaire
La Ville rappelle qu’elle soutient d’autres organisations à hauteur de 2,3 millions par an. C’est un fait.
Mais ces organisations remplissent d’autres missions : distribution de colis, dépannages alimentaires, accompagnement social diurne. Le Refettorio intervient sur un créneau distinct, celui du repas du soir, identifié comme manquant par les acteurs du secteur eux-mêmes.
La demande de 200’000 francs pour 2026 n’est donc pas un «plus», mais la condition minimale pour maintenir une offre essentielle, complémentaire et non substitutive des dispositifs existants.
7. La suite
Nous terminerons l’année 2025. Pour 2026, deux voies existent :
– soit les autorités assument un engagement proportionné à leurs obligations légales et à la réalité du terrain ;
– soit elles assument également les conséquences sociales d’une fermeture, qui laisserait un vide que personne ne semble en mesure de combler.
De notre côté, l’engagement restera intact : quel que soit le contexte institutionnel, nous continuerons à agir pour garantir un accès digne à l’alimentation.
Le Refettorio est né parce qu’un certain nombre de personnes ont refusé d’accepter qu’en 2025, dans une ville riche, des familles dînent encore d’un sandwich industriel.
S’il existe encore aujourd’hui, c’est parce que ce besoin demeure.
La seule question est de savoir si les institutions souhaitent, elles aussi, assumer une part de cette responsabilité.